J'avais acheté ce livre avant noël, et le voilà tristement d'actualité... Bref, je l'ai lu dans un contexte bien particulier.
Quatrième de couverture
« Du voile de Creil. au djihad en Syrie, nous avons perdu une bataille, oublié de descendre à la station République. »
Enfant de l'immigration, Lydia Guirous n'a pas eu de difficulté à s'intégrer. La France, elle l'aime. Trop peut-être ? Au point de déranger ceux qui voudraient qu'elle la rejette ?
À mi-chemin entre le manifeste et le témoignage, elle pointe la dangereuse dérive d'une France qui a honte de ses valeurs, de son histoire et abdique face à la montée du communautarisme et de l'Islam radical.
Dans cet essai courageux, au travers d'anecdotes acérées, elle dénonce les atteintes portées aux droits des femmes, la radicalisation d'une partie de la jeunesse des quartiers populaires, le piège de la double culture et de la « diversité » , le jeu trouble des politiques, et leurs difficultés à faire respecter ce principe qui protège tous les enfants de la République : la laïcité.
Mon avis
Alors que j'étais au milieu des livres, c'est son titre qui m'a interpelée. C'est son titre qui m'a donné envie d'en savoir plus. Et sur un coup de tête, je l'ai acheté, et voilà maintenant que je l'ai lu.
Je le dis tout de suite, je suis loin d'être d'accord avec tout ce que dit l'auteur, et parfois même j'ai grincé des dents. Elle est lucide sur pas mal de choses, mais parfois je la trouve d'une étrange naïveté. Prenons par exemple le cas de la discrimination positive. Elle dit qu'il n'en faut pas, que cela nuit au bout du compte à ceux qui sont censés en bénéficier, et au-delà, à tous les Français d'origine étrangère, toujours suspectés d'en avoir bénéficié et donc, selon elle, de manquer de légitimité. En guise d'exemple, elle parle de la convention Sciences Po. Elle dit que ceux qui bénéficient de cette convention n'ont pas le niveau, en outre, et que donc c'est de l'hypocrisie pure. Pourtant, il y a bien de nombreux cas de réussite grâce à ce dispositif. La méritocratie, c'est bien, mais dans une société aussi inégalitaire (quelques soient par ailleurs ses qualités, car oui, je sais, il y a pire ailleurs), il faut pouvoir donner des coups de pouce à ceux qui ont moins (et après, à eux de faire de l'or avec ce qu'on leur a donné).
Mais j'irai plus loin en parlant de quelque chose dont elle ne parle pas. Enlever la discrimination positive, ce serait abandonner définitivement les ZEP, les supprimer. Alors moi, je voudrais bien en un sens qu'il n'y ait plus de ZEP, mais à condition que cela implique qu'on ait décidé de donner de VRAIS moyens à TOUS les établissements scolaires, et ainsi qu'AUCUN établissement scolaire ne se retrouve avec une trentaine d'élèves par classe et que TOUS les établissements scolaires puissent apporter une ouverture culturelle digne de ce nom à ses élèves. Seulement, on sait que l’Éducation Nationale est loin d'être aussi ambitieuse. Pire, notre chère ministre actuelle a montré qu'elle préférait dilapider l'argent de l'EN en donnant des primes faramineuses aux recteurs (10000 euros de plus par an est attribué à chaque recteur, rien que ça !), plutôt que de débourser plus d'argent pour les enfants de la République. Quoi qu'il en soit, il faut au moins préserver les établissements les plus fragiles, ceux dont la population a le plus besoin d'aide. Quand on voit la nouvelle carte de l'éducation prioritaire, on se dit que c'est loin d'être gagné là encore, mais bon... Revenons-en à l'utilité de la ZEP. La ZEP permet de lutter contre le décrochage scolaire, grâce à la pérennisation des équipes enseignantes (les points APV permettent de faire en sorte que les enseignants restent au moins cinq ans dans l'établissement ; et généralement, ils restent au moins huit ans ; cela évite d'avoir trop de contractuels, vacataires et néo-titulaires), au nombre réduit d'élèves par classe (plus facile de s'occuper d'un élève en particulier quand il y en a 23 que lorsqu'il y en a 33...), à la présence de davantage de personnels (hors ZEP, on se retrouve facilement sans principal adjoint, COP, infirmière, etc.), à certains dispositifs comme la classe citoyenne, etc. Or, le décrochage scolaire met des élèves sur le ban de la société, et les rend ainsi vulnérables face aux discours haineux de certains extrémistes... et notamment les fanatiques religieux. La ZEP permet également de faire davantage de sorties scolaires et de mener davantage de projets culturels : autant de moyens d'ouvrir l'esprit de nos élèves, d'en faire des citoyens responsables, qui là encore seront moins sensibles aux discours de fanatiques religieux. Plus l'esprit est faible, plus il est facile de le manipuler. Enfin, la ZEP permet de conserver les classes moyennes des établissements ainsi étiquetés, ce qui permet par ricochet de ne pas assister à une ghettoïsation de ces établissements, et donc à la montée du communautarisme. Bref, tout cela pour dire qu'en luttant contre la discrimination positive, Lydia Guirous est contreproductive : cela reviendrait à donner du terrain à ce contre quoi elle lutte avant tout... Alors oui, elle a vécu la discrimination positive comme une forme de condescendance ; mais il ne faut pas tout généraliser non plus, et beaucoup savent que la discrimination positive permet l'équité. Oui, elle a su se débrouiller au bout du compte sans cette discrimination positive, mais tous les enfants défavorisés de France n'ont pas la chance d'avoir : 1) des parents comme les siens à leurs côtés ; 2) une telle gnaque. Moi qui ne suis pas une enfant d'immigrés, mais qui ai vécu mon enfance dans une banlieue défavorisée, j'avais beau être une bonne et sérieuse élève au collège, je n'imaginais pas le fossé qui me séparais des élèves des "meilleurs" collèges de France (et pourtant, je n'étais pas si "défavorisée" que cela, puisque j'étais fille d'une professeur et d'un journaliste...). Alors comment aurais-je pu avoir la gnaque ? Je me contentais de faire ce que l'on me demandait...
Autre chose qui m'a fait grincer des dents : la façon dont elle justifie ses prises de positions politiques. Sa vision de Sarkozy me semble ainsi d'une grande naïveté. Alors qu'en parallèle, elle se plaint de tous ces gens qui embauchent des personnes d'origine étrangère pour remplir des quotas, elle s'imagine que Sarkozy a "embauché" Rachida Dati, Rama Yade et Fadela Amara sans arrière-pensée, qu'ils les a prises pour leur talent, alors qu'il a avoué lui-même les avoir prises avant tout pour leur origine. De plus, elle remarque que les enseignants "décrochent", tant ils ne supportent plus d'être aussi mal considérés, et que cela nourrit l'Islam radical, et en même temps elle défend ce Nicolas Sarkozy qui ne s'est pas gêné pour faire saigner le corps enseignant et dégoûter plus que jamais les gens du métier, aidant par là même les Islamistes. Alors certes, comme dirait un de mes collègues, la seule différence, du point de vue de l'éducation, entre Sarko et Hollande, c'est que "l'un nous attaque de face, et l'autre nous poignarde dans le dos", mais faut-il rappeler à Lydia Guirous que lorsqu'elle parle de la gauche, elle est priée de ne pas oublier que celle-ci ne se limite pas à Hollande et ses copains ? Notre auteur aime Sarkozy parce qu'il défend la méritocratie. Mais où y a-t-il de la méritocratie lorsqu'on demande de faire davantage d'études pour être professeur, pour au final gagner un salaire qui fait rire les élèves eux-mêmes ? Un salaire qui, rappelons-le, est gelé depuis une éternité ? Comment voulez-vous, Mme Guirous, que les professeurs soient respectés par leurs élèves et par les parents, si leur ministère et leur président les dédaignent à ce point ?
En fait, en ce qui concerne l'école, l'auteur observe des choses justes, mais ses solutions font un peu sourire... Pour que les professeurs soient davantage respectés, elle veut que l'uniforme soit rétabli pour les élèves, que les professeurs ne portent plus ni tee-shirts, ni shorts (vous en connaissez beaucoup, vous, des professeurs qui viennent en short ?), et qu'ils vouvoient leurs élèves. Comme si cela suffirait ! Il faudrait déjà que les dirigeants respectent les professeurs, après tout ce sont eux qui montrent l'exemple ! Or, pour ne parler que de faits récents, il suffit de voir comment ont été reçus les professeurs victimes de la nouvelle carte prioritaire par leurs supérieurs... quand ils ont été reçus ! Ils sont infantilisés et méprisés à un point détestable. Que ce soit à l'inspection académique, au rectorat ou au ministère. Et quand ils sont reçus, hors de question qu'il y ait un dialogue ! C'est un disque rayé qui les accueille... ou au mieux, un gros concentré de mauvaise foi. Par exemple, vous venez prouver par A+B à l'inspection académique que tous les critères choisis pour classer les établissements et déterminer lesquels seraient des ZEP sont mauvais, on vous répond : "Oh, mais en fait, il se trouve qu'on a aussi utilisé un autre critère." Vous démontez ce critère à nouveau ? Ils vous en sortent encore un de leur chapeau. Les professeurs en ressortent écœurés, en larmes, se demandant ce qu'ils font encore là, dans la maison Éducation Nationale ; ils n'ont pas signé pour se faire marcher dessus...
Oui, je sais, je critique, je critique, mais j'ai trouvé tout de même pas mal de points intéressants dans le livre de Lydia Guirous. J'ai trouvé intéressant ce qu'elle dit sur le piège de la "double culture", sur l'Algérie, l'école des parents, le harcèlement de rue, la pression que les Musulmans subissent à cause de leur propre communauté, la notion de "colla-beur", les dangers du relativisme culturel, etc. Mais c'est comme ça : il fallait que je m'attarde sur ce qui me chiffonnait. Je conclurai en félicitant l'auteur pour sa jolie plume, qui rend l'ensemble agréable à lire.
16/20
Bon moment de lecture.
Intéressant à lire, même si on n'est pas d'accord avec tout.
je me doutais bien lorsque je l'avais entendue parler, que ce livre ne correspondrait pas à mes attentes. Je pense qu'elle est à la fois juge et parti et lorsqu'on prend une situation tellement à coeur on a du mal à rester lucide.
RépondreSupprimerOui, je vois ce que tu veux dire. Merci pour ton commentaire ^_^
SupprimerTon article était vraiment très intéressant à lire. Je ne pense pas lire ce bouquin cependant j'ai trouvé très instructif de lire ton ressenti sur les Zep. Perso, je pense aussi que la discrimanation positive est une bonne chose car comme tu le dis tous les élèves n'ont pas forcément des parents qui les poussent à étudier ou même l'envie. Même si ce n'est pas parfait comme système ça a au moins le mérite d'exister et d'aider des élèves.
RépondreSupprimerMerci beaucoup ! :) Je suis totalement d'accord avec ce que tu dis.
SupprimerJe crois que je vais éviter ce livre après tout ce que tu dis … non pas qu'il ne me paraisse pas intéressant mais parce que je risque de bouillir d'un bout à l'autre alors même que je n'ai travaillé que fort peu en ZEP, que je ne viens pas de banlieue et surtout que je suis d'accord avec ce que tu dis sur TOUS les établissements (suis en campagne, avec 30 élèves par classe et la plupart n'ont aucune ambition parce que personne ne leur en donne et personne ne vient faire de la discrimination positive ici : ce sont des élèves normaux, soit disant qu'ils n'en ont pas besoin O_o) . Bref, je m'arrête là …
RépondreSupprimerQuand je voudrai lire sur le sujet, je choisirai un autre bouquin ;)
Merci pour cet avis hautement éclairant.
En campagne, à les entendre, tout va toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes... D'ailleurs, dans mon département (le 77), toutes les ZEP rurales ont été enlevées (parce que l'un des quatre critères actuels, c'est le fait d'être en ZUS = Zone Urbaine Sensible ; rien que ça, ça laisse comprendre que la campagne, pour eux, c'est forcément un endroit où il n'y a pas besoin de ZEP... =/).
SupprimerEn tout cas merci beaucoup ! ^_^
Bizoos