J'ai lu ce livre après les attentats contre Charlie Hebdo. Je suis tombée dessus à la médiathèque.
Présentation
Terrorismes, vers un nouveau désordre mondial ? est composé d'un récit, contant les impressions au jour le jour d'un écrivain amoureux de New York. Nous sommes devant l'écran de son téléviseur et lisons les quotidiens avec lui, avec le souci d'y voir clair, le souci de l'humain qui vit en chacun de nous.
S'ensuit un dossier, établi par des journalistes. Partant des faits eux-mêmes, ce dossier propose des éléments pour comprendre quels sont les enjeux des nouveaux terrorismes et en quoi la guerre qu'il faut leur livrer « est infiniment plus complexe que de simples frappes sur l’Afghanistan. »
Mon avis
Comme vous avez pu le comprendre en lisant la présentation, ce livre est constitué en deux parties bien distinctes : une partie récit et une partie documentaire. En principe, dans cette collection, on a une nouvelle, puis un dossier, mais dans ce cas précis, le directeur de la collection n'a pas choisi d'opter pour un texte fictif ; il s'en justifie dans le livre. On a donc à la place les impressions au jour le jour d'un écrivain sur les attentats du 11 septembre. Compatissant à l'égard des Américains, il garde tout de même un esprit critique. Il est particulièrement sévère vis-à-vis des médias. Il dit ainsi que "la détresse des survivants devenait une marchandise, étalée sur les écrans de la planète entière, rachetée par les autres médias" ou encore, avec ironie, que "l'audimat est toujours l'obsession des autres, pas du patron de presse qui s'exprime", et il appelle à une information plus rigoureuse et mesurée, notamment pour contrebalancer "la fièvre" des médias avec l'enchaînement d'émissions spéciales. Lorsqu'on songe à l'attitude de certains médias suite aux attentats contre Charlie Hebdo, on se dit qu'ils n'ont pas vraiment évolué...
D'un point de vue plus strictement américain, en dépit de sa compassion à l'égard des victimes, l'écrivain insiste sur le fait que les USA ne sont pas les jouets d'un destin effroyable, mais qu'ils ont bien leur part de responsabilité. Il s'en prend ainsi au Pentagone, dont il dénonce la vanité et le manque de culture car s'ils avaient lu Homère, ils n'auraient pas été aussi sûrs d'eux. C'est sûr qu'à force de dédaigner l'histoire et la littérature, on ne peut s'étonner que les mêmes désastres se répètent à l'infini... Et le drame de Charlie Hebdo a lui-même comme un parfum de répétition... L'écrivain évoque aussi le manque d'efficacité des renseignements américains, qui privilégie trop le quantitatif au qualitatif, et qui mise un peu trop sur la technologie, au mépris de compétences humaines telles que la maîtrise de langues étrangères, notamment l'arabe. Enfin, il met en avant que la tendance des Américains à se penser comme le Bien combattant le Mal est puéril, et que par ailleurs, l'Amérique a trop souvent eu tendance à faire des alliances douteuses, qui lui sont revenues en pleine figure. Il élargit en disant que les Français ne valent guère mieux à ce sujet : "Enfants des Lumières ? Face à l'obscurantisme, sans doute ? Comme cela serait facile et simple. Mais ce manichéisme n'est-il pas lui-même un peu obscurantiste ?" La France, comme les USA par le passé, a sa part de responsabilité dans ce qui s'est passé durant le mois de janvier. Mais ceux d'en haut ont semble-t-il bien du mal à comprendre l'étendue de cette responsabilité. Quand s'excuseront-ils ainsi d'avoir supprimé des ZEP, et créé ainsi un territoire propice à la formation d'apprentis terroristes ? Sont-ils aveugles ou trop orgueilleux pour reconnaître cela ? Les victimes du 11 septembre sont autant les victimes, selon l'auteur, des avions kamikazes que "d'une politique arrogante, aveugle à ce qui n'est pas son intérêt". A mon sens, les victimes des attentats de janvier, aussi.
D'autres passages du texte m'ont fait penser aux récents événements. Ainsi, l'auteur nous parle de la montée de la popularité de Bush. Avant les attentats, au matin du 11 septembre, il était à 45% de popularité ; deux jours après, il était à 78%, et le 21 septembre, après son allocution au Congrès, elle était à 91%, ce qui est énorme ! Tout ça m'a rappelé la popularité grimpante d'Hollande... Voilà, Monsieur a donné des feux verts et a marché (en compagnie de gens pas tous très recommandables, du reste), et boum ! il devient un héros ! Ça me laisse perplexe. Mais peut-être est-ce encore un signe que l'histoire se répète sans cesse...
A un autre moment, l'écrivain écrit : "Il conviendrait de faire attention aux termes qu'on emploie pour définir ses ennemis. On les situerait ainsi à leur exact niveau de dangerosité". Il réfute ainsi l'utilisation du terme de "nihilistes" pour qualifier les terroristes d'Al Qaïda. Et de la même façon, je réfute le terme de "monstre", que j'ai entendu trop souvent pour qualifier les frères Kouachi et Coulibaly. Car parler de "monstres", c'est refuser de voir que la France a des responsabilités dans les attentats. Parler de "monstres", c'est s'empêcher de trouver des solutions pour que ça ne se reproduise plus. Parler de "monstres", enfin, c'est s'autoriser à ôter la vie à des êtres humains, et par là même devenir soi-même un "monstre". Ces gens qui t'agressent parce que non, l'idée que des terroristes se prennent une balle dans la tête ne t'enchante pas, et parce que non, tu ne dormiras pas mieux parce que des hommes, quels que soient leurs crimes, se sont fait tuer, je ne peux pas le supporter. Comme si tuer des terroristes suffisait à éradiquer le terrorisme.
L'écrivain raconte qu'un homme vivant près du World Trade Center a écrit à sa correspondante française : "Envoie-moi un de tes poèmes, cela m'aidera à vivre." Je suis bien heureuse que la littérature soit là pour m'aider à vivre moi aussi... (Il y a également mes idols qui m'aident, cela dit ^^) Si monstre il y a, il est en chaque être humain. Je suis dégoûtée des Hommes.
J'ai longuement parlé du récit de l'écrivain, mais je n'ai pas encore parlé du dossier qui lui est assorti. Il n'a pas été conçu par les mêmes personnes que l'auteur du récit, ce qui n'est pas inintéressant. Les personnes qui ont fait ce dossier montrent de façon très claire la part de responsabilité, assez titanesque en vérité, des États-Unis dans les attentats du 11 septembre. Ainsi, ils relèvent que "les attentats de septembre 2001 peuvent être vus comme une conséquence de la politique étrangère au Moyen-Orient et en Asie centrale menée par les États-Unis, dont les gouvernements passés n'ont pas hésité, au nom du combat contre l'expansionnisme soviétique, à soutenir des groupes qui sont devenus leurs ennemis les plus virulents". Ils montrent à quel point le camp du "Bien" ne défend la démocratie que lorsque ça l'arrange et aime fricoter avec le "Mal".
Ils parlent aussi de la vision schématique, erronée et dangereuse du "choc des civilisations", expression qu'on entend bien souvent. Cette vision raciste des choses "fait de l'Islam l'épouvantail de l'Occident" et fait perdre de vue que ni le monde occidental, ni le monde musulman ne sont unis. D'ailleurs, les États-Unis ont bien fait en sorte de ne pas se mettre tous les pays musulmans à dos.
Ils abordent également la question des versets les plus violents de l'Islam, et j'ai trouvé cela particulièrement bienvenu. Une de mes collègues s'est exclamé que dans sa "période agnostique", elle a lu les livres sacrés des trois religions monothéistes et qu'elle a abandonné le Coran en cours de route car c'est une religion violente, comme l'atteste certains versets. Mais les concepteurs du dossier démontrent bien que si on lit le Coran correctement, on comprend que ces versets ne sont plus d'actualité. J'ai envie de dire aussi que je fais confiance à ma cousine qui a eu elle aussi sa "période agnostique", et qui a choisi, après lecture des différents textes sacrés, de se convertir à l'Islam.
Je finirai mon propos en citant un extrait du dossier : "Le terrorisme peut-il être éradiqué seulement grâce à l'armée ? Rien n'est moins sûr. Pour le faire disparaître, ce sont ses causes qu'il faut viser. Mais alors la mission est bien plus ardue. Car elle suppose de s'attaquer aux germes de la pauvreté et de la violence dans la société du Tiers-monde, où l'écho rencontré par l'intégrisme religieux est croissant, ou encore de modifier la diplomatie mondiale pour amoindrir les rancœurs qu'elle suscite. Un combat certainement plus long qu'un simple bombardement sur les camps terroristes perdus dans les montagnes afghanes." J'ajouterai qu'il faut s'attaquer aux germes de la pauvreté et de la violence dans notre propre pays, et pour cela, il faudrait que les riches et les puissants cessent de penser à leur petite personne. Quand j'étais en CM2, on nous faisait chanter une chanson intitulée "Démocratie", et lorsque je repense aux paroles de cette chanson, je me dis qu'elle avait vraiment tout d'une chanson de propagande. Or, tout ce que je vois, à l'heure qu'il est, ce n'est pas une démocratie. C'est une oligarchie...
17/20
Instructif
Je ne pense pas que je lirai ce livre mais j'aime beaucoup la conclusion : attaquons-nous à la pauvreté, à toutes les pauvretés ! c'est vraiment le seul moyen que le monde aille mieux.
RépondreSupprimerMais je crains que le monde actuel n'arrange trop de gens pour qu'ils aient envie que cela change :/
Oui je suis un peu pessimiste là-dessus, même si je ne pense qu'il ne faut pas baisser les bras ;)
J'approuve totalement ton commentaire ; ça reflète bien ce que je pense. ^_^
SupprimerTon article me fait plaisir. Ça me rassure qu'il y est des gens qui pense comme toi car quand j'entends et lis certaines choses ça me fait vraiment peur... on oublie bien trop que ces personnes ont grandi dans la société française et sont donc le produit de cette société. Concernant les attentats du 11 septembre je connais tellement peu de choses sur la politique américaine que je n'ai jamais vraiment eu d'opinion dessus à part une extrême tristesse face à un tel drame. En tout cas il y a une chose dans ton article que je rejoins totalement c'est la vision qu'ont certains pays occidentaux sur des pays d'Afrique et du Moyen orient : je trouve qu'il y a une véritable méconnaissance du contexte et surtout une tendance trop rapide à mettre tout le monde dans le même panier alors que dans la réalité même entre eux ils ne sont pas très souvent d'accord. Enfin bref, j'espère que les prochaines années seront quand même plus douces et que les choses s'arrêteront (bah oui un peu d'espoir ça fait pas de mal ��) (désolé pour mon long pavé la lecture de ton article m'a totalement happé ��)
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