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samedi 23 novembre 2013

"Une vieille maîtresse" de Barbey d'Aurevilly


Je vous présente ma dernière lecture, un chef d'oeuvre de Barbey d'Aurevilly, un écrivain que j'aime beaucoup. J'ai lu ce roman dans le cadre du Challenge ABC et du challenge Un classique par mois.

Résumé
Ryno de Marigny, un dandy dévoyé, et Hermangarde de Polastron, une jeune fille chaste, tombent amoureux l'un de l'autre. Pour vivre avec Hermangarde, Ryno quitte la Vellini, l'amante qu'il a côtoyée ces dix dernières années. Mais parviendra-t-il réellement à tourner la page ?

Mon avis
C'est la quatrième fois que je lis une œuvre de Barbey d'Aurevilly, et comme à chaque fois, je suis comblée. J'avais commencé l'aventure avec Le Chevalier des Touches, grâce un professeur à la fac qui me l'avait fait découvrir. J'ai ensuite lu Les Diaboliques, et enfin L'Ensorcelée. Cette dernière lecture remontait quasiment à trois ans, j'étais donc d'autant plus excitée à l'idée de retrouver cet auteur que j'adore. Je n'ai pas été déçue une seule seconde. Son style me séduit toujours autant. Avec lui, il n'y a jamais un mot de trop et on n'a jamais le sentiment non plus qu'il manque quelque chose. Tout est millimétré à la perfection. Le texte est si bien écrit que je n'ai pas résisté à la tentation de noter pleiiin de citations. Parfois, j'étais obligée de me freiner, me disant qu'à ce rythme, j'allais finir par recopier l'intégralité du livre !
Mais ne parlons pas que de la forme : venons-en au fond. J'ai trouvé les personnages de Vellini et de Ryno très intéressants. Intéressants ne veut pas dire sympathiques ! La petite Hermangarde inspire plus de sympathie que ces deux-là, mais cette pureté, qui lui vaut la sympathie du lecteur, lui fait également perdre de l'intérêt. Hermangarde est belle et Vellini est laide - du moins, selon les canons de beauté de l'époque, et pourtant Vellini a un pouvoir de séduction qui dépasse l'entendement, au point que les superstitieux paysans normands en viennent à se demander s'il ne s'agirait pas d'une incarnation du Diable. Même un libertin comme Ryno de Marigny ne parvient pas à se défaire de son influence : "Lui qui avait eu l'expérience des charmes divers de tant de femmes, il sentait que même l'âme la plus assouvie, ne pouvait se blaser de celle-là. A chaque instant, elle trahissait des saveurs inconnues, des arômes qu'on n'avait pas encore respirés. C'était bien vraiment la maîtresse qui résumait - comme l'avait dit, un certain soir, Mme de Flers, - tout un sérail dans sa personne." Le monde plein de conventions qu'est le Faubourg Saint-Germain ne peut parvenir à comprendre un tel personnage, fille illégitime d'une duchesse et d'un toréador, et forte tête qui n'obéit qu'à ses impulsions. Si elle est un personnage complexe, Marigny l'est également à sa manière. Lui-même ne semble pas vraiment se comprendre. Il aime Hermangarde, il en est aimé : les choses devraient être simples pour eux. Mais sans abandonner son amour pour la jeune femme, il la trompe en restant finalement fidèle à sa vieille maîtresse, qu'il dit pourtant être sûr de ne plus aimer. Là où il ne voit qu'une attirance du à la force des souvenirs, j'y vois pour ma part de l'amour, qui diffère seulement de la conception qu'en a le Faubourg Saint-Germain. L'amour qui unit Marigny et Vellini, c'est un amour qui a résisté à tout, un amour indestructible, qui dépasse les conventions, les règles établies. L'amour qui unit Marigny à Hermangarde, c'est un amour plus fragile car il n'est que naissant entre un être qui n'a pas encore vécu et un autre qui n'a que trop vécu, et parce que c'est un amour respectueux des dites conventions.

Extrait
La passion de Mme Mendoze pour M. de Marigny, et dont cette Italienne manquée n'avait pas su faire une relazione de plus d'un an, eut toute l'insouciance d'un malheur suprême après avoir eu toutes les imprudences d'une félicité sans bornes. La comtesse s'était doublement affichée. On la recevait toujours, à cause du rang qu'elle tenait par sa famille en France et par celle de son mari en Espagne (elle était alliée aux Médina-Coeli), mais l'opinion ne lui marchandait pas les cruautés. Elle les brava comme une plus fière, non par hauteur de courage, mais par entrainement aveugle et fatal ; parce qu'elle ne pouvait rencontrer son ancien amant que dans ce monde qui la flétrissait tout en restant poli pour elle. Elle y allait donc, poussée par l'espérance. Attelée au joug d'une idée fixe, elle y traînait un cœur désolé, une santé dévastée. Rien ne l'arrêtait. Ni la fièvre, ni la toux convulsive d'une poitrine atteinte de consomption. Elle avait bien le courage de sa toilette, et brisée, mourante, anéantie, elle venait la première et s'en allait la dernière partout, l'attendant, voulant le voir encore, même de loin, et dût-elle expirer en rentrant du souvenir des jours passés ! Âme acharnée qui n'arrachait pas le trait, mais l'enfonçait chaque jour davantage !

20/20
Coup de cœur

6 commentaires:

  1. Alors là je suis convaincue, j'ai très envie de tenter cet auteur ! J'aime beaucoup les histoires d'amour tragique à la Liaisons dangereuses et je pense que cela pourrait fortement me plaire =)

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    1. J'espère qu'il te plaira autant qu'à moi, dans ce cas ! :D
      Bonne lecture d'avance !

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  2. Honte sur moi, je n'ai jamais lu Barbey d'Aurevilly. Je ne le connaissais même pas de nom, c'est grâce à toi que j'en entends parler. Je vais d'abord commencer avec Une vieille maitresse (eh oui, je suis totalement convaincue) et peut-être tenter les autres titres que tu cites dans ta chronique.
    Merci pour ton avis !

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    1. Je suis contente de te l'avoir fait connaître et j'espère que sa plume te séduira autant que moi. :)

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  3. Je ne connaissais pas du tout non plus mais là je note !! Surtout qu'il a l'air très tentant à lire ^^
    Merci pour la découverte !

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    1. De rien, j'espère qu'il te plaira autant qu'à moi ! :D

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