"La Liste" de Siobhan Vivian

J'ai lu ce livre dans le cadre du Challenge ABC et du Cluedo littéraire.

Résumé
La liste nomme 8 filles chaque année.
Les 4 plus belles et les 4 plus laides du lycée.
Et si votre nom s’y trouvait ?
Une tradition odieuse sévit au lycée de Mount Washington : tous les ans, une semaine avant le bal de début d’année, une liste est placardée dans les couloirs. Personne ne sait qui établit cette liste. Et personne n’a jamais réussi à empêcher qu’elle soit publiée. Invariablement, chaque année, la plus belle et la plus laide des troisièmes, des secondes, des premières et des terminales sont désignées. 8 filles en tout. 8 filles qui se retrouvent sous les projecteurs impitoyables du lycée. 8 filles qui vont voir leur vie brusquement changer… pour le meilleur ou pour le pire ?

Mon avis
La Liste est un roman sur la cruauté du monde adolescent et sur le règne de l'apparence dans notre société. Le sujet choisi est très dur, dans le fond : les élèves de Mount Washington ne se contentent plus d'élire la reine de promo, mais donne le titre de "la plus belle" et de "la plus moche" à une fille de chaque niveau. Certains personnages du livre prétendent que la liste ne fait que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, mais force est de constater que la liste fait bien plus : elle met sous le feu des projecteurs des personnes qui ne l'ont pas forcément demandé.
Certains lecteurs ont trouvé le roman "trop sage", mais à mon sens, l'auteur nous montre des faits sous les yeux, en nous disant : "Vois et juge". J'ai aimé le fait que, justement, il n'y ait pas de ton moralisateur. Quant à ce que pense l'auteur de tout ça, je pense que la fin le montre bien... Le livre s'achève en révélant la matière de la couronne de la reine de promo : elle est "en plastique", ce qui déçoit la dite reine. La liste est présentée d'emblée comme un prologue au bal de rentrée, dans la mesure où "la plus belle terminale" est systématiquement nommée reine de promo. Lorsqu'on se rend compte qu'après tout ce foin sur la liste et sur le bal, la reine de promo se retrouve affublée d'une misérable couronne de plastique, je trouve que le symbole est fort, et que l'auteur aurait aussi bien pu appeler son livre Beaucoup de bruit pour rien.
A ce titre, contrairement à d'autres, je trouve la fin très réussie. L'auteur, à mon sens, laisse transparaître à ce moment la morale de son histoire. En outre, que dire de plus ? La boucle est bouclée. On va de la liste jusqu'au bal. Ça ne finit pas en apothéose, comme vous l'espériez ? Mais justement, le bal n'a pas à être une apothéose, puisqu'il n'est... rien, il n'a que la valeur d'une couronne en plastique. Si la fin avait été une apothéose, le message n'aurait pas été le même, non ? Par ailleurs, vous avez un goût d'inachevé ? Mais l'auteur de la liste a été découvert, et l'objectif du roman n'est pas de raconter la vie de huit adolescentes, mais de raconter la conséquence de la liste sur leur vie. Pourquoi donc aller au-delà du bal ? Quel meilleur moment pour faire résonner le mot "FIN" ?
Au-delà même de la fin, j'ai vu que pas mal de lecteurs avaient été déçus par le roman dans son ensemble. Pourtant, il tient ses promesses. Il nous parle des conséquences de la liste sur les huit "élues". 8 filles, 400 pages : si on divise équitablement, ça fait 50 pages par personne. Et vous vous plaignez que chaque histoire ne soit pas davantage creusée, complexe, et tout et tout. Mais cela tient de la logique, non ? 50 pages, ça permet de faire une nouvelle, et dans une nouvelle, on se doit d'aller droit à l'essentiel. Après, c'est une question de goût, mais si vous vouliez une histoire personnelle vraiment complexe et détaillée, ce n'était pas le livre vers lequel il fallait vous tourner.
Ce n'était pas le but ici. Le but était de peindre des tranches de vie. Alors, bien sûr, on ne peut s'attacher à tout le monde - voire peut-être à personne. Pour ma part, j'ai trouvé ma chouchoute : c'est Sarah. Bien sûr, ça peut sembler extrême et exagéré, sa façon de réagir, mais j'arrive à la comprendre, car d'une certaine façon, je suis du genre à réagir comme ça. Par exemple, en prépa, face à une foule de bourg', j'ai tout fait pour accentuer à fond ma différence. Dans le fond, de façon un peu tordue, on pourrait dire que ma façon de faire se résumait un peu à : "Ah ouais, vous n'aimez pas les gens du 93, bah attendez, je vais vous donner une raison de plus de me fuir." lol En plus de Sarah, j'ai été très touchée par l'histoire de Bridget, ironiquement jugée "plus belle des premières" depuis qu'elle est devenue anorexique. Cela m'a fait penser à la Kpop, où "extrême maigreur" est trop souvent associé à l'idée de "beauté".
Être jugée "la plus belle" n'est pas forcément beaucoup plus positif que d'être jugée "la plus moche". Bridget n'en tire aucun plaisir, plongée qu'elle est dans sa souffrance et sa maladie. Margot est jalousée, et donc exclue d'une certaine manière. Lauren n'y gagne que le fait d'être entourée de fausses amies. Et c'est là qu'on en vient aux concours de beauté. Une des personnages souligne l'hypocrisie des adultes, qui condamnent la liste, mais laisse en place l'élection du roi et de la reine de promo. Cette élection aussi repose sur le culte de l'apparence. Elle ne vaut guère mieux, en ce sens, que la liste. Et elle aussi met des filles sous le feu des projecteurs, et les mettent ainsi en danger. Mais ces projecteurs, a contrario, peuvent aussi être recherchés, y compris par les plus moches... Et là, ce n'est pas sans me faire penser à la téléréalité : tout pour être sous le feu des projecteurs ! quitte à être le sujet de moquerie de tout le pays !
En définitive, c'est un noir tableau de notre société que nous propose Siobhan Vivian, au-delà même des clichés que l'on peut relever deci delà. J'ai trouvé que c'était un roman intéressant et agréable à lire.

Le WTF
Le manque fréquent de ponctuation. Les phrases se finissent régulièrement sans point. Je trouve cela limite de la part des éditions Nathan...

18/20

A lire absolument !